Conçu comme un « grand emblème pour promouvoir le nouveau visage de Dubaï », le Dubaï Frame surprend. Le cadre rectangulaire d’un immense tableau s’élève depuis Zabeel Park. 150 mètres de hauteur pour 95 mètres de large, mais au milieu, la toile est absente. Le cadre est vide. Et pourtant c’est une tout autre histoire qui a valu au Dubaï Frame le titre de « plus grand immeuble jamais volé ».

Une œuvre d’art invisible

Vue aérienne du Dubaï Frame

Fernando Donis, architecte mexicain et néerlandais, connaît bien l’architecture dubaïote. En 2006, il remporte un premier concours en proposant la Renaissance tower, un monolithe minimaliste destiné à questionner l’adoration architecturale. La même année, il dessine les tours de la prestigieuse enseigne Porsche, toujours dans l’émirat.

Lorsque Thyssen Krupp Elevator, fabricant allemand d’ascenseurs et la municipalité de Dubaï organisent un concours d’architecture en 2008, Donis est de la partie. Surpassant les projets des 926 candidats, le cadre proposé par le designer remporte la compétition haut la main. L’architecte empoche le prix de 100 000 dollars et un billet pour l’aéroport de Dubaï où il est reçu par le prince héritier Hamdan bin Mohammed Al Maktoum. Lors d’un dîner, Donis lui explique sa vision.

Le projet architectural est audacieux. Simple dans sa forme, simple dans sa structure, il s’efface, mais met en valeur la cité existante pour ceux qui le regardent. Donis explique « Plutôt que de créer une autre structure massive, j’ai préféré proposer du vide ».

Le Dubaï Frame à la forme d’un mince cadre blanc. C’est un rectangle. Il s’agit de deux tours reliées au sommet par un pont de 100 mètres. Habilement positionné à l’intérieur du Dubaï Creek, il propose deux tableaux de Dubaï. Observé depuis le Sud, il met en lumière le Dubaï historique, la crique, les boutres et les souks. Mais ceux qui le regardent depuis le nord y voient l’animation et la skyline moderne du nouveau quartier de downtown Dubaï. De l’impressionnant Burj Khalifa aux meilleurs hôtels de luxe, aucun des monuments n’échappe au visiteur. Ce sont autant d’attractions que vous pourrez découvrir en détail grâce aux pass all inclusive ou pass explorer. Donis décrit son travail comme «  une œuvre conçue pour englober toutes les autres ».

Une construction controversée

Zoom sur le Dubaï Frame

Avec un budget de 68 millions de dollars, la construction débute en 2013 et durera 5 ans. Le bâtiment est entré dans le Guinness book des records avec la mention « plus haut immeuble en forme de cadre ».

Une astuce juridique

Une polémique apparaît dès le début des travaux. Quelques jours après son voyage à Dubaï et son dîner avec le prince héritier, en 2009, Donis reçut un contrat d’exploitation pour ses dessins. Le document stipulait que l’architecte devait abandonner tous ses titres de propriété intellectuelle sur les croquis au profit de la municipalité de Dubaï. Il lui était interdit de mentionner l’édifice comme étant le résultat de son œuvre et de prendre part à la construction. Donis refusa de signer. Or, 5 ans plus tard, le building est bel et bien en construction et le designer n’a jamais perçu de droits d’auteur.

Les choses sont simples du point de vue de l’émirat. La loi dubaïote interdit les poursuites à l’encontre de la municipalité à moins qu’elle-même n’accepte d’être poursuivie en justice. Et si elle devait être attaquée, la ville de Dubaï bénéficie d’une immunité lui permettant d’éviter toute sanction.

La violation des lois sur la propriété intellectuelle est avérée. Mais l’union internationale des architectes, Thyssen Krupp, l’UNESCO et les procédures judiciaires n’y pourront rien.

Une précision millimétrique

La base du cadre est en construction. Elle deviendra le support de montage pour le pont supérieur.

Les tours jumelles latérales sont ensuite érigées grâce à un ingénieux mécanisme de coffrage autogrimpant : 

Le système permet de construire les structures verticales avec des erreurs de moins d’un millimètre par 10 mètres. Il y a donc moins de 15 mm d’écart entre le bas et le haut du Dubaï Frame, une prouesse.

Les tours seront néanmoins volontairement cambrées de 45 mm vers l’extérieur pour compenser le mouvement inverse dû au poids du pont supérieur. Il faudra 48 heures pour soulever le pont et achever le monument.

Le jour de l’inauguration du bâtiment, le 1er janvier 2018, le monde découvre le Dubaï Frame. Mais ce n’est pas celui de Donis. Alors que le cadre initial est blanc et épuré, celui construit est richement décoré. Les vitres sont équipées d’anneaux dorés qui évoquent des bulles dans un agencement proche des arabesques arabes.

Un voyage dans le temps

Dubaï Frame de nuit

La traversée du Dubaï Frame constitue un véritable voyage dans le temps.

Pour visiter le monument, il faut compter 150 dirhams AED. Bien que gigantesque, l’immeuble ne peut accueillir que 200 personnes. Il faudra donc réserver un billet et bien respecter l’heure des visites.

Un soleil de plomb, des nomades se déplacent à dos de chameaux sur les dunes de sable blanc pour rejoindre l’émirat. Dans la cité des pêcheurs de perles, les rues étroites, les façades de terre et les étals d’épices et d’étoffes, ponctuent le parcours des visiteurs. La première partie du chemin dans le cadre est dédiée à la vieille ville et à son quotidien avant la création des Émirats arabes unis. Les fenêtres à cristaux liquides des vieux bâtiments permettent d’observer des scènes de la vie dans l’ancien village d’Arabie.

C’est un vortex temporel qui vous attend à la sortie du souk de la vieille ville. Les effets visuels du tourbillon bleu fluorescent laissent une impression étrange. De l’autre côté, un ascenseur moderne vous propulsera à 11 km/h jusqu’au dernier étage du Dubaï Frame, à 150 mètres de haut, au-dessus des jardins. Vous êtes revenu dans le présent.

Du sommet de la première tour dédiée au passé, un pont d’une centaine de mètres permet de rejoindre la seconde, consacrée au futur. Dès lors que vous avancez, le sol opaque devient transparent et s’évapore sous vos pieds. C’est une expérience à couper le souffle. Depuis la plateforme d’observation, c’est un présent ambivalent qui vous attend. Le point de vue panoramique résume Dubaï telle qu’elle est aujourd’hui. Un mélange de tradition et de modernité dont le dosage varie selon que vous regardez vers le nord ou le sud.

L’idéal est d’y monter peu avant le coucher de Soleil pour admirer la ville s’illuminer progressivement avec la tombée de la nuit. La vue vaut un vol en montgolfière au-dessus des gratte-ciels. Les constructions pharaoniques prennent un tout autre visage. Les souks et les petites ruelles semblent minuscules. Prenez le temps de savourer un café enivré par les mélodies orientales d’un joueur de buzuq traditionnel. Profitez de la vue imprenable sur le Burj Al Arab, la grande mosquée et son minaret, car un nouveau vortex temporel vous attend déjà.

Métro aérien et champs d’éoliennes aquatiques ont envahi le Dubaï futur. Si vous aimez louer une voiture de luxe, dans 50 ans, ce sera peut-être bien une voiture volante. Mais l’émirat dévoile des projets encore plus audacieux.

Dubaï possède maintenant sa station spatiale. Le tourisme de luxe n’a plus besoin de la tour la plus haute du monde. Les îles artificielles ont échappé à l’attraction de la péninsule arabique et flottent maintenant dans le cosmos. Une fusée quitte le golfe persique pour un séjour sur la planète rouge qui vous accueille avec le message « bienvenu à la maison ». Pour visiter Dubaï, il faudra un jour quitter la terre ferme, ses ambitions donnent le vertige.

Une vision de l’avenir

Décoration du Dubaï Frame

Le Dubaï Frame est conçu pour résumer les visions du passé et du futur de Dubaï. Et c’est réussi. C’est l’endroit unique ou découvrir un aperçu des projets dans un horizon de 50 ans. Le petit village de Bédouins, perdu dans le désert, a parcouru bien du chemin et poursuit sa croissance exponentielle. Quant à son architecte, s’il regrette de ne pas avoir pu prendre part à ce projet, il reconnaît que l’édifice produit l’effet exact qu’il l’avait imaginé. Et le monde attribue désormais la paternité du Dubaï Frame à Fernando Donis.

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