Ce soir de 1993, Tom Wright est pris d’insomnie. Il ne sait pas encore que son nouveau projet, le Burj Al Arab sera un succès. Inauguré en 1999, à peine 1 mois avant le passage à l’an 2000, l’édifice, haut de 321 mètres, s’élève depuis sa petite île artificielle sur les côtes de Dubaï. La tour en forme de voile est devenue le symbole du tourisme dans les Émirats arabes unis. Mais nous n’en sommes pas encore là.
Comment la tour est-elle passée de l’idée au chef-d’œuvre ? Quels exploits techniques a-t-il fallu réaliser ? Que peut-on faire au Burj Al Arab ? C’est le sujet d’aujourd’hui.
Pourquoi le Burj Al Arab a-t-il été construit ?
Tout a donc commencé en 1993. Les réserves de pétrole de Dubaï sont minces. Le Cheikh Mohamed Bin Rashid Al Maktoum sait qu’il doit trouver de nouvelles ressources pour que l’émirat continue de prospérer quand les nappes seront vides. Il se tourne alors vers le tourisme de luxe et contacte l’entreprise d’ingénierie Atkins, à Londres.
Le Cheikh ne demande pas des idées originales ni un gratte-ciel de luxe. Il attend un symbole, une construction si élégante et atypique que sa simple silhouette évoque la ville de Dubaï. Tom Wright est chargé de l’architecture du projet. Il n’en dort plus.
Tom s’installe alors au Chicago Beach Hotel, à Dubaï. Les dunes de sable blanc, un chameau, un palmier, la musique orientale du bar lui inspirent quelques dessins, mais rien qui ne soit réellement satisfaisant. Mais un soir alors qu’il profite d’une bière à la terrasse de l’hôtel, il aperçoit, au loin, la voile d’un bateau. Immédiatement, elle lui rappelle la tribu de pêcheurs venus fonder Dubaï 150 ans plus tôt. Il tient son idée. Il saisit son carnet et, avec un feutre, il trace quelques lignes : un socle au ras de l’eau, un mât vertical qui s’élève vers le ciel et deux courbes qui représentent les voiles gonflées par le vent. C’est un boutre, c’est le Burj Al Arab.
Mais l’idée ne calme pas ses insomnies. Au lieu de cela, c’est maintenant toute l’équipe de construction qui ne dort plus.
Pourquoi le Burj Al Arab ne s’écroule-t-il pas ?
Une île artificielle innovante
La construction de l’édifice demandera 6 ans. La moitié de ce temps sera consacrée à faire émerger l’île sur laquelle le palace repose.
Pour évoquer pleinement un boutre, le bâtiment doit être construit au niveau de la mer. Or les îles artificielles habituelles, faites de rochers, sont très hautes. De plus, la tour risque de s’enfoncer dans le sable et l’eau pourrait entrer dans l’hôtel par les sous-sols. La structure de l’île doit être entièrement inventée.
C’est Mike McNicholas, responsable de la sécurité du projet qui se met au travail. Il imagine une île faite de pierres. Pour leur permettre de résister aux vagues, elles sont recouvertes de blocs de béton percés spécialement et conçus pour diminuer la force de l’eau. Ces blocs donnent d’ailleurs leur aspect de coussin aux bords de l’île. Pour empêcher le futur immeuble de s’enfoncer, des piliers de 40 mètres de long seront plantés dans le sable. Et pour résoudre le problème de l’inondation, une coque en acier et béton sera construite sous l’hôtel. La structure finale s’élève à seulement 7 m. au-dessus du niveau de la mer et reste parfaitement stable.
Une tour sophistiquée
Une faille géologique longe le golfe arabique et à 300 m d’altitude, le vent peut atteindre 150 km/h. L’immeuble le plus luxueux du monde pourrait bien s’écrouler face aux éléments. Les ingénieurs se remettent au travail.
Un exosquelette est rapidement proposé pour armer la tour de béton. Deux immenses jambes de force courbes renforcent la structure et sont équipées d’amortisseurs pour ne pas vibrer lorsque le vent souffle. Des poutres obliques relient les arcs au bâtiment. Pour que tout s’emboîte parfaitement malgré la dilatation due aux variations importantes de températures, des connexions à longueur variable seront spécialement conçues. Mais d’autres difficultés apparaissent.
Dans le désert du golfe persique, la tour de verre pourrait vite devenir une fournaise inhabitable. Un voile de fibre de verre est installé pour maintenir les vitrages à l’ombre sans bloquer la clarté. Pour éviter qu’elle ne se déchire lors de tempêtes de sable, elle est enduite de téflon.
Le Burj Al Arab, un design iconique
Un décor à couper le souffle
C’est Khuan Chew qui est chargée de la décoration. On lui décrit sa mission ainsi : « réaliser quelque chose qui n’a encore jamais été fait et qui ne le sera plus jamais ensuite ».
Avec ses 180 m. de haut, l’atrium du Burj Al Arab est le plus grand du monde. Il pourrait même contenir d’autres gratte-ciels. Lors du démarrage de la climatisation, les ingénieurs craignent que des nuages se forment et provoquent une pluie à l’intérieur même de l’hôtel. Pour éviter la catastrophe, le chantier est refroidi très lentement de juin à décembre 1998. La décoration prend donc six mois de retard.
50 décorateurs sont recrutés pour rattraper le temps perdu. Ils habillent les chambres de 24 000 m² de marbre et 8 000 m² de feuilles d’or 22 carats. Cristal, argent et velours viennent parfaire les suites. En revanche, l’atrium est totalement blanc pour laisser sa structure grandiose s’exprimer d’elle-même.
Lors de son inspection, le Cheikh est particulièrement satisfait de la richesse et de la finesse des détails qui ornent les pièces. Mais quand il demande quand sera terminé l’atrium, un malaise s’installe. L’absence de couleur ne retranscrit pas le faste oriental que le Cheikh attend.
C’est ainsi que Khuan Chew crée le jeu de lumière qui anime le mur de toile. Elle fait installer les fontaines dans le hall ainsi que les deux aquariums de 280 m3 dans les escaliers. Le dessus et le dessous des coursives sont décorés de bleu saphir et persan qui contraste avec les garde-corps laissés blancs. Finalement, en dorant les piliers qui supportent le premier étage, Khuan Chew redonne à l’atrium les couleurs qui incarnent l’Arabie.
Admirer les lignes du Burj Al Arab
Prendre un peu de recul reste le meilleur moyen d’admirer les lignes élégantes du Burj Al Arab. Le Pierchic, restaurant très prisé du front de mer, est construit sur pilotis à quelques centaines de mètres de l’hôtel. En plus de proposer une excellente carte et ses propres cocktails, c’est un des meilleurs points de vue sur le Burj Al Arab.
Réserver un bateau pour la journée est souvent un bon plan pour faire une pause à proximité de l’hôtel et en profiter avec une excellente perspective. Une variante tonique consiste à l’approcher en jet-ski. D’autres préfèrent un survol en hélicoptère.
Séjourner au Burj Al Arab
Au-delà du projet pharaonique et des défis technologiques, le Burj Al Arab, c’est avant tout une résidence de luxe. Un service spécial de taxis permet aux voyageurs qui débarquent à l’aéroport de Dubaï de se rendre directement à l’hôtel en Rolls-Royce. Il est également possible de se poser sur le toit grâce à un héliport.
Si vous préférez la liberté qu’apporte un véhicule de location, un valet prend votre voiture en charge, gratuitement, à votre arrivée.
Manger au Burj Al Arab
Parmi les nombreux restaurants du gratte-ciel, l’Al Muntaha est un des plus célèbres. Situé à 200 mètres au-dessus de la mer, sur les plateformes suspendues en haut de la tour, le restaurant panoramique français et italien vous offre une vue imprenable sur le golfe persique.
Le Skyview, lui aussi placé dans les plateformes suspendues du 27e étage, est un bar lounge qui vous propose de boire un verre en surplombant Dubaï. Bien que la consommation minimum soit de 200 AED (50 euros), le bar est connu pour être un bon plan pour entrer dans l’hôtel, admirer la décoration et profiter de la vue panoramique à moindre coût.
L’Al Mahara est un autre restaurant d’exception du Burj Al Arab. Pourtant situé au premier étage de l’hôtel, l’établissement vous accueille « sous la mer ». Après avoir pris l’ascenseur puis circulé dans un tunnel décoré de coquillages, vous arrivez dans la salle principale digne d’un sous-marin. L’aquarium démesuré et les poissons qui siègent en son centre ont un effet hypnotique sur les clients.
Dormir au Burj Al Arab
La légende veut que le Burj Al Arab soit un hôtel 7 étoiles quand les critères internationaux ne permettent d’en obtenir que 5. L’anecdote met mal à l’aise la direction qui regrette que la notation officielle soit ainsi contestée. C’est une journaliste qui a un jour écrit que le Burj Al Arab était au-dessus de tous les meilleurs hôtels de luxe et le qualifia de « 7 étoiles ».
La tour possède 202 suites spacieuses. Les surfaces s’étendent de 170 m² à 780 m² pour des prix allant de 2 000 à 25 000 euros pour le plus luxueux appartement.
Un majordome vous accueille à l’entrée de la suite royale et vous ouvre la porte. Des tapisseries indiennes faites main, du mobilier couvert d’or, un paravent japonais du 19e siècle qui change de couleur en fonction de l’heure, un jacuzzi. Rien n’est commun. Le lit égyptien est couvert de 17 coussins et les oreillers sont en plumes d’eider. Outre les deux chambres et la salle de bain, l’ensemble comprend une salle à manger pour 16 personnes, un bureau, une salle de jeu et une salle de cinéma.
Si vous souhaitez réserver, vous pouvez le faire ici.
Un monument à visiter
Le Burj Al Arab est devenu le symbole de Dubaï. Plus qu’un emblème, il a ouvert la voie à une série de projets pharaoniques. En prenant ses fondations sur le premier îlot artificiel de Dubaï, il a inspiré les Palm Islands et The World. Ses prouesses techniques ont permis d’imaginer la plus haute tour du monde, le Burj Khalifa. Le Burj Al Arab a été dessiné en mémoire des pêcheurs qui ont construit Dubaï, il symbolise aussi la capacité d’innovation de l’émirat.